LA GRANDE TRADITION DE PLOTEK
by Gilles Daigneault

Le Devoir, samedi 22 octobre 1983

Le Devoir, samedi 22 octobre 1983

Il y a gros à parier que les visiteurs de l’exposition de Lee Plotek qui se tient à la galerie Yajima (307 rue Sainte-Catherine ouest) ne seront pas surpris par la configuration de ses tableaux récents. Ceux-ci prennent place comme naturellement dans une aventure à la fois discrète et somptueuse qui vit en marge d'une certaine actualité volontiers bruyante de la peinture et qui, pour être appréciée, demandesimplement du temps (plus que des efforts).

L’accrochage comprend neuf tableaux qui jouent des mêmes formes et mêmes couleurs qu’on a l’habitude d'accoler au nom de Plotek mais, à la reflexion, on prend conscience que les unes et les autres étaient également imprévisibles et que c'est un des pouvoirs étranges de cette peinture que la conviction avec laquelle ses composantes s'imposent à l'esprit du regardeur comme tout à fait incontestables.

En même temps, les tableaux ont une autonomie certaine les uns par rapport aux autres et ne donnent pas l'impression e naître successivement l'un de l'autre; tout se passe comme si Plotek voulait plutôt rendre compte de la diversité de ses preoccupations, à l’interieur d'un registre qu'il connaît bien et ont il n’en finit plus de révéler la profondeur. Ainsi, c'est l'ensemble de l'exposition qui fait sens et qui constituerait, à la limite, une seule oeuvre dont chaque tableau serait un fragment (même si, cette fois-ci, l'exposition ne porte pas de titre comme cela se produit habituellement chez Plotek).

D'autre part, ces travaux récents mettent encore davantage en évidence les tensions, qui habitent depuis longtemps la fiction picturale de l'artiste, entre le désir de créer une image centrale forte et l’exigence d'animer toute la surface du tableau (et d’autant plus que Plotek a modifié les proportions de certains de ses grands formats verticaux ui tendent ici vers le carré). Dans ces derniers cas, les contaminations entre la figure et le fond sont particulierement savoureuses.

Bref, cette peinture. qu’on doit qualifier de figurative mais qui est certes a moins anecdotique possible et dont le caractère de gravité est constamment subverti par l'ironie des formes. apparalt aujourd‘hui comme au som- met de sa trajectoire. Chez un autre que Plotek, il y aurait lieu de s'inquiéter de la suite de l‘histoire. (Jusqu‘au 29 octobre) .