LEOPOLD PLOTEK: Cinq années de peinture
par Sandra Paikowsky

Les douze oeuvres de cette exposition offrent un survol de la peinture de Leopold Plotek depuis 1985. Par son engagement vis-a-vis la problématique de notre peinture post-moderne, Plotek rétablit les liens entre l'imaginaire de l’artiste et le monde matériel. Une telle entreprise reflete nécessairement a la fois la complexe association du peintre avec son milieu et son propre questionnement intérieur qui sous-tend toute relation avec le monde extérieur.

A la source méme des images de Plotek se trouvent la mémoire et le souvenir. Qu’il y utilise un Vocabulaire abstrait ne nie pas la representation; on y reconnait plutot la réalité du rappel et la complexité de l’interprétation. D’anciennes trames subconscientes deviennent d’essentiels points de référence. Le signifié des images de Plotek réside dans une imagerie tant personnelle que publique. Le souvenir et le moment présent se rejoignent dans l'espace que se partagent l’artiste et son auditoire. Pourtant, dans son oeuvre, l’étrangeté d’une imagerie apparemment familiere prive le spectateur de toute reaction prévisible.

Il n’existe aucune explication toute faite de ses intentions; et c’est la la source du défi et du plaisir.

Comme bien d’autres de sa génération, Plotek a été intimement lié a l'évolution du milieu artistique de Montréal des années '70. Le point marquant a été la remise en question généralisée de Yenseignement et des attitudes dans tous les secteurs des arts visuels. Le souci d’attribuer a l’objet d’art la responsabilité de communiquer avec le spectateur a profondément marqué la création artistique a Montreal. En tant que peintre, Plotek se considérait Comme un «étranger» en raison de son manque d’implication envers le mouvement dominant vers l’art conceptuel et les installations. Toutefois, il partageait le souci de ses contemporains pour un engagement direct dans le processus artistique; et il n’a jamais renié ce principe.

Au cours des deux derniéres décennies, la peinture de Plotek a décrit un genre d’abstraction excentrique qui possede des liens tant avec la tradition géométrique que lyrique de l’art a Montréal. Au début des années '70, Plotek affronte le littéralisme en fagonnant des toiles non tendues et en rassemblant des formes géométriques imparfaitement découpées. Ensuite, c’est en pliant la toile qu’il libére de la meme facon la dynamique des espaces et des structures minimalistes. En 1975, i1 reprend des moyens plus traditionnels et peut-étre par sympathie personnelle et culturelle a l’é-gard du constructivisme russe (il est né a Moscou) il en adapte le Vocabulaire formel au contexte montréalais. Toutefois, les images en revétent par consequence un contenu plus référentiel. Les larges formes soustraites et isolées de Plotek suggerent tentativement des aspects de l’architecture baroque ou des éléments figuratifs de la peinture du quattrocento. Au debut des années '80, la configuration devient plus centralisée méme si les contours irréguliers et parfois facétieux nient toute iconologie emblématique. Quand les références architecturales deviennent plus prononcées, leur éventuelle littéralité est sapée par d’excentriques constructions planes et d’étonnantes juxtapositions de couleurs. Au milieu de la decennie, le langage abstrait de Plotek s’affirme; et ce qui deviant essentiel est de distiller le physique du spirituel et le matériel de 1’ imaginaire.

Les douze tableaux présentés ici offrent une diversité remarquable. Pourtant on leur reconnait un esprit de continuité et d’empathie qui les relie au méme sens que sont reliés les membres d’une meme famille qui cependant conservent individuellement leur caractere propre et leur personnalité. L’art de Plotek, par le biais d’un langage formel enrichi et un choix de sujets plus vaste, deviant plus complexe et a la fois plus concentré.

Les airs de famille entre les différents tableaux se mani festent de différentes fagons, entre autres par le point commun des themes de l’imagerie. Nous voyons par exemple qu’un groupe de tableaux fait allusion a la présence d’objets; alors que 1’ unique motif dominant suggere un contenu emblématique ou un genre <<d’objeCtivation de 1’ intériorité» arnplifié par sa construction picturale spécifique. L’une des oeuvres les plus anciennes ici, The Fathers’ Medallion, 1985 (cat. 2) s’apparente étroitement aux peintures antérieures de Plotek. L’ image cruciforme bien centrée renforce son symbolisme historico-religieux traditionnel mais fait également une allusion figurative au blason d’un quelconque guerrier invisible. (Plotek voit aussi dans cette image un tribut a sa proper persistance en tant que parent). La douceur des contours, tout autant que la couleur modulée, démistyfie toute presence iconique. Ces éléments, associés a un alignement constamment décentré de formes presque géométriques, raffermissent le sentiment que la fragilité humaine soustend toujours l’héro'1'sme.

La forme et le sujet jouent tous deux un role dans le paradoxe exprimé par la peinture de Plotek. Son employ de l’ironie renforce le fait que la peinture est une fiction fondée sur le paradoxe. Mais l’artiste et le spectateur ' participent tous deux consciemment a cette fiction en vertu d’un engagement mutuel a suspendre volontairement leur commune réalité. Plotek a déja mentionné qu’un aspect du caractere exceptionnel de la peinture c’est <<qu’elle possede certaines qualités basées sur l’expérience qui entraine un sens de solidarité avec une autre personne.»1

En certains cas, les titres de ses tableaux font directement allusion a des situations précises. Railway Arch 25, Putney, 1986-87 (cat. 5) serait un hommage au sculpteur Vorticiste Gaudier-Brzeska qui avait un studio sous l’arche ferroviaire a Putney, en banlieue de Londres. Les plans compacts des formes angulaires suggerent le matériau brut de la sculpture; l’espace prolongé derriére les formes fait discretement allusion au studio du sculpteur. A l’égal des images abstraites d’oiseaux et d’animaux de Gaudier-Brzeska, les formes de Plotek sont ici réduites a leur géométrie fondamentale mais sans renier le volume ou le mouvement.

" Les matériaux de la peinture, comme ceux de la sculpture Vorticiste, conservent une dignité tranquille par le biais de leur sobriété et de leur negation de tout faux sentiment. L’ objet dans un intérieur allusif est également suggéré dans The Spanish Word for Hombre, 1987-88 (cat. 8), tableau qui constitue sans doute l’oeuvre la plus figurative de l’ exposition. Cependant, toute reference a une nature morte est renversée par la proportion interne contradictoire et l’espace irrégulier. Cette étrangeté voulue de l’image décrit la complexité des emotions qui naissent de la fusion de l’actualité extérieure et des visions intérieures de l’ artiste.

L’ objet sculpté devient plus saisissant dans The Exilarch, 1988 (cat. 9). L’ ouverture de l’espace latéral dans les oeuvres plus récentes de Plotek situe l’étrange figure totémique dans un contexte intemporel. Une impression stoique de gravité affirme plus fortement la dignité majestueuse de l’ objet a travers les plans rigides du tableau. A l’instar d’un monarque sans pays, n'ayant pour tout partage que la foi de ses sujets, l’image évoque le panthéon sans fin d’anciens hommes d’Etat qui servent aujourd’hui a nous rappeler que la civilisation moderne est inextricablement liée aux triomphes et aux défaites du passe.

Les tableaux «objets» de Plotek transmettent une sensation de quiétude par leur intégration des forms mouvantes individuelles. lls projettent de fagon inhérente le moment précis qui sépare 1’ action terminée et la force vive libérée par l’oeil du spectateur éventuel. Issue de la tension déséquilibrée de la forme, de la couleur et de l’espace, l’impression de tranquillité devient métaphore de la convergence entre l’acte de peindre et l'acte de voir. Une telle quiétude émotive constitue en soi une definition de la peinture ou l’immédiat et l’intempora1ité s'unissent dans une seule venue.

Dans un second groupe de tableaux, l’<<objet» trouve sa place dans le monde extérieur. The Living Daylights, 1985 (cat. 1) et Entrail Park, 1985-86 (cat. 3) suggérent tous deux des images de sculptures rejetées dans un jardin abandonné. Puisque la lumiére dans les tableaux décrit la tombée du jour et que la sculpture ne comporte pas d’organes internes, 1’ironie des titres contredit l’atmosphére lyrique des images. L’ambiance sinistre mais invitante du jardin propose un moncle préternaturel qui conjure nos emotions humaines les plus fondamentales. Les élégantes forms spectrales planent dans un espace illusoire qui se ferme aussitot ouvert. Le jeu du plein et du vide, de la transparence et de l’opacité, de la distance et de l’intimité, controle la logique interne des éléments picturaux mais en rend la signification d’autant plus énigmatique et mystérieuse. Cette confluence de la fantaisie et de la réalité, qui est 1’ instrument de base de l'artiste, est également une analogie de la condition humaine.

Comme Plotek l’a démontré dans les oeuvres qui ont précédé celles de cette exposition, ses images sont motivées par le souvenir. Les situations picturales sont ici résolues de facon forrnelle mais demeurent des visions incompletes comme c’est le cas pour le mécanisme de la mémoire. La résolution viendra de l’esprit du spectateur qui contribue ses propres souvenirs a l’expérience. Comme l’a écrit Plotek: <<Pour le spectateur qui aime la peinture, l’exigence de l’oeuvre n’est pas rebutante mais deviant une invitation.» 2

La mémoire, ou <<l’émotion recueillie dans la paix», de Wordsworth, sert a décrire le processus de la peinture de Plotek tout autant que sa signification. La distillation imaginative d’expériences passées, qui s'exprime ici en une sorte de forme idéale plutot que particuliére, évoque autant l’histoire du peintre que du spectateur. Comme les images d’un passé fugitif se fondent dans la réalisation du présent, l’acte de mémorisation réitere notre propre prise de conscience du temps et nous rappelle que le souvenir peut aussi compenser une perte.

Les images fragmentées et énigmatiques de Plotek décrivent l’acte de la transformation de l’insaisissable et de 1’ intangible en un événement complet et actuel. Henri Bergson a défini la métamorphose d’un stage 21 1’ autre comme «des occasions de rappel» ou la conscience de l’artiste choisit parmi une pléthore d’ experiences passées, les images qui pourront affecter la décision a prendre, le travail a accomplir. De telles «occasions» de perception intuitive sont les moyens qui permettent a l’artiste de découvrir son sujet et au spectateur, la réalité de l’expérience.

L’inventive structure picturale de la peinture de Plotek reflete le désir de rendre permanent ce qui est en vérité éphémere. Néanmoins, cette reconstruction proustienne de1’expérience humaine ne garantit pas un acces facile a Yinterprétation car il ne s’agit pas ici de présenter une information ou une opinion. Mais 1’ absence de chronologie, de narratif dans l’oeuvre de Plotek n’interdit pas l’échange entre l'objet et le spectateur. Les images dérivées de la mémoire sont plutot des agents stimulateurs et interrogateurs qui traduisent clairement la maxime aristotélicienne que «penser est spéculer avec des images.» L’une des images les plus persistantes parmi celles de notre mémoire collective est 1’ architecture. En tant que «traces» de notre passé personnel ou cornmun, l’architecture s’affirme comme symbole périodique d’une historiographie personnelle ou publique. Dans Comzston Water, 1986 (cat. 4) et St. Sophz'a’s Eur, 1987 (cat. 6), l’architecture deviant theme plutot que motif, comme ce fut le cas dans ses oeuvres du début des années ’80. Bien que leurs titres identifient des endroits précis, les oeuvres célébrent des sites imaginaires, formés d’un amoncellement de souvenirs. Le compromis entre le réalisme et l’abstrait est intensifié chez Plotek par des espaces particulierernent illusoires et aussi par son insistance sur le volume et la modulation de la lumiére, toujours dans le contexte de l’ abstraction. Les traditionnelles allusions tirées de la Renaissance concernant la correspondance harmonieuse entre 1’ architecture et le corps humain sont décrites de fagon paradoxale par les silhouettes des arches dans Conaston Water (le site de la derneure de Ruskin dans la région lacustre d’Angleterre). Cette corrélation est rendue plus évidente dans la seconde oeuvre oil 1’ on devine un diagramme calibré de l’oreille interne, qui se veut aussi une allusion a 1’ opinion de Plotek qu’il «peut entendre l’architecture aussi facilement qu’il peut la voir.» L’ oreille suggére par ailleurs l’importance de la musique dans l’oeuvre de Plotek. La musique, comme la peinture, suppose la création de relations improvises dans une unité réfléchie. La surface picturale deviant synonyme d’une phrase musicale. La musique et la poésie servent toutes deux de stimulant créateur mais Plotek admet volontiers qu’il ne comprend pas tout a fait la dynamique inconsciente qui sous-tend la métamorphose d’un médium a l’autre. Plotek admire particuliérement l’architecture pour ce qu’elle réussit a produire que la peinture ne peut pas: cette sensation d’enveloppement que l’architecture partage avec la musique. La peinture, par contre, est plus discrete et demande la participation volontaire du spectateur. L’architecture, tout comme la musique, exige qu’on s’en éloigne physiquement afin d’ en éviter l’expérience.

Neanmoins, dans la peinture de Plotek, on trouve une relation compatible entre l’echelle des edifices fictifs et le fait physique du tableau. Malgre leurs grandes dimensions, les tableaux conservent une qualite d’intimite qui correspond at l’emotion enveloppante de 1’ architecture.

Plotek reagit aussi a cette realite particuliere a l’ architecture et la peinture, que l’une et l’autre sont oeuvre completee dans le temps; et que les ajustements, modifications et corrections font partie integrante de leur production. Un autre attrait de l’architecture tient au fait que, tout comme dans la peinture, chaque aspect de sa construction doit étre percu par l'oeil, quel que soit le plan 01’ ensemble. L’edifice, tout comme l’oeuVre cl’ art, est le depositaire de 1’ activité humaine et l'un et l’autre peuvent étre percuss comme la celebration d’efforts individuels. Tout en admettant une certaine approche elegiaque a la peinture, Plotek ne considére toutefois pas que la peinture reléve de la transcendance mais qu’elle reflete plutot les valeurs humaines, car elle est inextricablement «reliee a ce que les étres humains peuvent en retirer.» La peinture a le pouvoir d'étre 1’ expression visuelle de nos aspirations communes. C’est en ces termes que Plotek considére la responsabilite sociale de l’ artiste — la recherche de l’integrite, le rejet des fausses pretentions. La peinture, comme 1’ architecture, est produite pour l’usage des autres et, tout compte fait, 1’ artiste, autant que l’architecte, est responsable de ses propres actions.

Le dernier groupe de tableaux que presente cette exposition peuvent étre percus comme des paysages ou comme un_univers demuni d’objets. Le premier de la serie, The City's Fiery Parcels All Undone, 1987 (cat. 7) suggére l’idee d’un monde construit forme par l’equiValent pictural de masses architecturales mais sans elements architecturaux. lnspiree par la poesie de Hart Crane, en particulier The Bridge (qui peut étre suggere par la forme enrubannée qui enveloppe et libere l’espace), l’(I2uvre projette l’effluve d’une architecture privée de lieu. En reorganisant une geometrie abstraite, Plotek s’approprie également la verticalite, le modelage et la frontalité de la peinture traditionnelle de la forme humaine. L’ image austere qui en résulte est dotée d’une robustesse spatiale et volumétrique qui suggére la Volupte d’un environnement exterieur, au dela des limites physiques d’un tableau.

Alors que Knee-deep in Paradise, 1989 (cat. 12) offre une ‘ composition structurée de fagon semblable, l’image est ici manifestement celle du paysage ou, plus correctement, «de l’espace exterieur.» Sans doute en raison clu sujet plus litteral et de l’espace illusioniste, ses formes organiques perdent leur ordre naturel en faveur d’un désordre delibére. Le fait qu’il s’agit en premier lieu d’un tableau et non d’une simulation est par la amplifié. L’interét de Plotek pour les ceuvres des poétes romantiques est ici egalement apparent dans l’évocation de la puissance emotive de la nature. Elle est maintenant fusionnée a l’actualité du studio de l’ artiste. Le paysage est transformé en de candides motifs universels, sans evidence de lieu ni de temps.

Les formes appartiennent peut-étre a 1’ artiste mais ells retrouvent une expression paralléle au sein de l’experience du spectateur avec la nature.

L’espace paysage est evoque encore plus nettement dans Farthest From Him is Best, 1988 (cat. 10) et Saturnia, 1989 (cat. 11) en raison de leur horizontalite explicite et de l’amenagement lateral des formes. Cette restructuration permet aux formes qui constituaient anterieurement le «fond de scene» des images d’en devenir le contenu principal. Saturnia fait allusion a d’anciennes sources thermales étrusques, et l’accumulation des formes decoupees qui s’emboitent suggere les couches du passe qui se greffent au present. La simplicité archaique des forms laisse imaginer un monde mysterieux que nous avons tenté de comprendre par le biais de la raison et de la logique. Mais l’excentricité de ces mémes formes nous rappelle que nos propres reactions emotives peuvent produire les indications les plus satisfaisantes. Plutot que de decrier le site en particulier, Plotek reagit au paysage en function de sa topographie interne et ceci imprégne 1’ image d’un pouvoir psychique qui embrasse temps et lieu. L’ ondulation sensuelle de la composition décrit la continuité de la nature et nous permet de prendre conscience de notre place dans l’orclre des choses.

C’est dans Farthest Franz Him is Best que Plotek nous propose l’image la plus lyrique du monde exterieur. L’ illusionnisme infernal, le modelage sensuel et le rythmelent des formes suspendues decrivent des emotions tres complexes aussi ouvertes et aussi chargées de possibilities que le monde que nous habitons. A l’origine, le tableau se voulait une representation de Florence aprés 1’inondation (et on y trouve encore des vestiges d’elements architecturaux), mais son titre decoule du grand poeme biblique

Le Paradis perdu de Milton et de l’evaluation concise de Dieu par Satan. Florence, symbole de la Renaissance et Milton, l’archetype du poete, font maintenant partie de notre heritage culturel et en tant que tels, sont devenus metaphores du poids de notre propre histoire.

La peinture de Plotek, par le biais de la manipulation raffinee de ses moyens formels, reconnait la vitalite des traditions historiques de l’art. L’affinité de Plotek pour la peinture vénitienne se révele dans son oeuvre de fagon subtile et nuancée. Mais paradoxalement, la tradition force aussi l’ artiste E1 définir sa propre identité face a tout ce qui l’a précédé. Ce savoir est a la fois ami et ennemi. Comme le suggére Harold Bloom dans The Anxiety of Influence, les poetes (et les artistes) se doivent a la fois d’accepter et de surmonter les réalisations du passé. Leur propre art est issu de la lutte avec leurs prédécesseurs, surtout de leur «créative interprétation erronée» des oeuvres du passé. C'est avec enthousiasme que Plotek s’est engage’ dans cette lutte eta découvert l’oeuvre qu’il doit accomplir. En raison de Yhétérogénéité des tableaux dans cette exposition, il ne convient sans doute pas de presenter en conclusion un resume de l’oeuvre de Plotek. I1 serait peut-étre plus approprié de terminer avec quelques reflexions d’Adrian Stokes, un écrivain de l’art que Plotek estime particulierementz . . . dans tout échange entretenu avec le milieu, il se crée une résonnance intérieure . . . Si nous analysons ces liens et résonnances, nous pouvons percevoir qu'ils sont en puissance chargés d’énergies et d’érnotions anciennes, et que notre rapport avec notre environnement est coloré par le double sentiment de sa continuité sans limites dont nous faisons partie, et de son isolement et son indépendance. L’art reflete ces relations et les symbolisent de fagon exemplaire. 3

Sandra Paikowsky
Conservatrice
Traduction de Monique Nadeau-Saumier

1. Les commentaires de l’ artiste ont été recueillis au cours de conversations qui ont eu lieu en 1989 et en 1990.
2. Leopold Plotek, Susanna Heller/Medrie MacPhee (Lethbridge: Southern Alberta Art Gallery, 1988).
3. Andrew Forge dans Adrian Stokes 1902-72 / A retrospective (Londres: Serpentine Gallery, 1982), p. 17.


LEOPOLD PLOTEK: FIVE YEARS OF PAINTING
by Sandra Paikowsky

The twelve works in this exhibition represent an overview of Leopold Plotek’s painting since 1985. By his commitment to the issues of painting in our post-modern climate, Plotek reaffirms the ties between the artist's imagination and the material world. Such a venture necessarily reflects both the complexity of the painter’s association with the external environment and his or her own search for self, which is the underpinning of a relationship with the outside world.

A primary impulse for Plotek’s images is memory and recollection. That this entails the vocabulary of abstraction is not a negation of representation; rather it is true to the reality of recalling and the complexity of its interpretation. The archeology of the subconscious mind becomes the essential reference point. The meaning of Plotek’s images rests in that pictorial terrain which is both private and public. Memory and presence conjoin in the shared territory of artist and audience. But the strangeness of the seemingly familiar imagery of his work prevents a prescribed response by the viewer. There are no ready-made explanations of his intentions, and therein lies the challenge and the pleasure.

Like many of his generation, Plotek was closely involved with the changes occurring in Montréal’s art community through the 1970's. The most significant was the widespread questioning of received knowledge and attitudes in every medium of the visual arts. The concern for the art object as a vehicle of communication with the spectator marked a fundamental change in the making of art in Montreal. As a painter, Plotek considered himself an ”outsider” because of his non-involvement with the dominant interest in conceptual art and installation. However he shared his generation's concern for direct involvement with the processes of art, and he has never abandoned that principle.

For the past two decades Plotek’s painting has described a kind of eccentric abstraction that has ties with both the geometric and lyric traditions of Montreal art. In the early 1970's Plotek confronted literalism by manipulating unstretched canvas and reassembling imperfect cut-out geometric shapes. His subsequent folding of the canvas similarly freed the spatial and structural dynamics of minimalism. By 1975 he had returned to more traditional procedures, and, perhaps because of a personal and cultural attachment to Russian Constructivism (Plotek was born in Moscow), he adapted its formal vocabulary to a Montreal context. However, the images also took on a more referential content. Plotek’s use of large, subtracted and isolated shapes tentatively suggested elements of Baroque architecture or segments of the figures in Quattrocento painting. In the early 1980's the configuration became more centralized although its irregular and even jocular contours subverted any emblematic iconicity. As the architectural references became more assertive, their potential literalness was undermined by eccentric planar constructions and odd colour juxtapositions. By the mid-eighties Plotek’s abstract language was consolidated; what became primary was the distillation of the physical from the spiritual, the material from memory.

The twelve paintings here describe a remarkable diversity and heterogeneity. Yet there is a consistency of spirit and empathy that binds these works together like members of a family who maintain their individuality through their own characters and personae. By expanding his formal language and developing a more broadly-based subject matter, Plotek’s painting has become more complex and, at the same time, more self-contained.

The familial relationships between these paintings reveal themselves through a variety of means, one of those being common themes of imagery. For example, a particular group of pictures alludes to the presence of objects, whereby a single, dominating motif suggests an emblematic content or an ”objectification of the inner” that is reinforced by its pictorial construction. An example from the earliest works here, The Fathers’ Medallion, 1985 (cat. 2) relates closely to Plotek’s previous painting. The centrality of the cruciform image reinforces its traditional historic-religious symbolism, but it also implies a figurative reference to the armourial shield of an invisible warrior. (Plotek also sees the image as a tribute to his own personal survival as a parent). The softness of both the contours and the modulated colour demystifies any iconic presence. This, coupled with Plotek’s consistent off-center alignment of quasi-geometric forms, reinforces the notion of human frailty that always underlies the heroic.

Both form and subject play a role in the expression of paradox in Plotek’s painting. His use of irony reinforces the fact that painting is a fiction based on paradox. But both artist and viewer knowingly participate in this fiction by a mutual contract of willing suspension of common reality. Plotek has commented that part of the uniqueness of painting is that ”it has certain qualities of experience which allow for a sense of solidarity with another person." 1

In some instances the titles of his painting suggest direct references to specific situations. Railway Arch 25, Putney, 1986-87 (cat. 5) can be seen as an homage to the Vorticist sculptor Gaudier-Brzeska, who had a studio beneath the railway arch in Putney, a suburb of London, England. The compact planes of angular forms suggest the raw material of sculpture; the prolonged space behind the forms, a gentle allusion to the sculptor’s studio. Like Gaudier-Brzeska’s abstracted images of birds and animals, Plotek’s forms here are reduced to their geometric essentials but without forfeiting volume or movement. The materials of painting, like those of the Vorticist’s sculpture, maintain a quiet dignity through their sobriety and their denial of false sentiment.

The object in an allusive interior is also suggested in The Spanish Word for Hombre, 1987-88 (cat. 8), which is perhaps Plotek’s most figurative work in this exhibition. However, any reference to the still-life is subverted by the contradictory internal scale and anomalous space. The intentional strangeness of the image describes the complexity of emotions that occurs when external actuality combines with the internal fantasies of the artist.

The sculptural object becomes most arresting in The Exilarch, 1988 (cat. 9). The open, lateral space of Plotek’s more recent work situates the eerie totemic figure in a timeless context. A stoic sense of gravity reinforces the imperial dignity of the object through the stark planes of the painting. Like a country-less king with only the faith of his followers, the image evokes the endless pantheon of ancient statesmen who today serve to remind us that modern civilization is inextricably tied to both past triumphs and failures.

Plotek’s ”object” paintings convey a sensation of stillness through the integration of individual passages of movement. They inherently project that particular moment between action completed and the future momentum of being viewed. Created by the unbalanced tension of form, colour and space, this sense of stillness becomes a metaphor of the convergence of the act of painting and the act of seeing. Such emotive quietude is on its own terms a definition of painting, where immediacy and timelessness join in a single venture.

In a second group of paintings, the "object” finds its place in the outside world. Both The Living Daylights, 1985 (cat. 1) and Entrail Park, 1985-86 (cat. 3) suggest images of discarded sculpture in an abandoned garden. Since the light of the pictures describes early evening and, as sculpture, has no internal organs, the ironic titles contradict the lyrical atmosphere of the images. The ominous but inviting aura of the garden proposes a preternatural world that appeals to our most basic human emotions. The elegant ghostly shapes hover in an illusionistic space which opens as quickly as it closes. The play of full and empty, transparent and opaque, distance and intimacy, controls the internal logic of the pictorial components but makes the meaning all the more enigmatic and mysterious. This conflation of fantasy and fact, which is the basic instrument of the artist, is also an analogy for the human condition.

As Plotek has shown in his works prior to those in this exhibition, the motivation of his images is memory. The pictorial situations here are formally resolved but referentially incomplete, as occurs in the mechanism of memory. The act of resolution rests in the mind of the audience who bring their own recollections to the experience. As Plotek has written: ”For the viewer who loves painting, the demand of the work is not forbidding but becomes an invitation.” 2

Memory, or Wordsworth’s ”emotion recollected in tranquillity" serves to describe the process of Plotek’s painting as well as its meaning. The imaginative distillation of past experiences, expressed here in a kind of ideal rather than particularized form, evokes the history of both the painter and the viewer. As images from the transient past merge with the realization of the present, the act of recollection reiterates our consciousness of ourselves in time and reminds us that memory can also be a compensation for loss.

Plotek’s fragmented, enigmatic images describe the act of transforming the elusive and intangible into an actual and complete event. The metamorphosis from one state to the other is what Henri Bergson has defined as ”occasions of recalling” where the artist's consciousness selects from the plethora of past experience, those images which have a potential bearing on the action to be taken, the work to be performed. Such ”occasions" of intuitive perception are the means by which artists discover their subject matter and the audience discovers the reality of experience.

The inventive pictorial structure of Plotek’s painting reflects the desire to make permanent that which in fact is fleeting. This Proustian reconstitution of human experience does not however guarantee any easy access to interpretation because it is not a matter of presenting information or opinion. But the lack of chronology, of narrative in Plotek’s work does not deny a discourse between object and viewer. Rather these memory-derived images are agents of stimulation and inquiry which clearly express the Aristotelian dictum that ”to think is to speculate with images.”

One of the most persistent images within our collective memory is architecture. As ”traces” of our private or communal past, architecture asserts itself as a recurring 35 symbol of personal and public history. In Conaston Water, 1986 (cat. 4) and St. Sophias Ear, 1987 (cat. 6) architecture becomes a theme rather than a motif, as had occurred in his work of the early 1980's. Despite the titles’ reference to actual places, the works commemorate imaginary sites of accumulated memories. The accommodation between realism and abstraction is intensified by Plotek’s use of specifically illusionistic space as well as his emphasis on volume and modelling light within the context of abstraction. Traditional Renaissance allusions to the harmonic correspondence between architecture and the human body are described in a paradoxical way by the figural silhouettes of the arches in Conaston Water (the site of Ruskin’s house in England's Lake District). This correlation is made most obvious by a kind of patterned diagram of the inner ear in the second work, but it also refers to Plotek’s belief that "I can hear architecture as easily as I see it.” The ear also suggests the importance of music for Plotek’s work. Music, like painting, implies the creation of improvised relationships in a purposeful unity. The pictorial surface thus becomes synonymous with a passage of music. Both music and poetry often provide the stimulus for initiating his painting, but Plotek freely admits he cannot fully comprehend the unconscious dynamic that underlies this metamorphosis of one medium to another. Plotek particularly admires architecture for what it can accomplish that painting cannot: the enveloping sensation that architecture shares with music. Painting, in comparison, is reticent and requires the willful participation of the spectator. Architecture and music both, however, require that one removes oneself bodily to avoid the experience. Nevertheless, in Plotek’s painting, there is a compatible relationship between the scale of the fictive buildings and the physical fact of the painting. Despite the large size of the pictures, they retain an intimacy that corresponds to the enclosing emotion of architecture.

Plotek also responds to the fact that architecture and painting are both processes completed over time; adjustments, changes and corrections are integral to their production. A further attraction of architecture is that, like painting, each aspect of its construction must be addressed by the eye, whatever the overall design. The building, like the art work, is a repository of human activity, and both can be seen as the celebration of individual endeavours. While Plotek admits to an elegiac approach to painting, he does not regard painting as being about transcendency but rather the reflection of human values, for it is inextricably "tied to what human beings can derive from it.” Painting is capable of being the visual expression of our commonality. It is in these terms that Plotek addresses the social responsibility of the artist — the strive for integrity, the rejection of false claims. Painting, like architecture, is produced for use by others, and the artist and the architect alike are ultimately responsible for their own actions.

The final group of paintings in this exhibition can be interpreted as landscapes, or the world uninhabited by objects. The earliest of these, The City's Fiery Parcels All Undone, 1987 (cat. 7) brings to mind a constructed world formed by the pictorial equivalents of architectural mass but without architectural elements. Inspired by Hart Crane’s poetry, especially The Bridge (which may be implied by the ribbon-like shape which encloses and liberates the space), this work projects the aura of site-less architecture. By reworking abstract geometry, Plotek also appropriates the verticality, modelling and frontality of traditional figure painting. The resultant austere image has a spatial and volumetric robustness that suggests the voluptuousness of an exterior environment, beyond the physical confines of a painting.

While Knee-deep in Paradise, 1989 (cat. 12) has a similar compositional structure, the image is overtly that of the landscape or, more correctly, ”outdoor space.” Perhaps because of the implication of a more literal subject and illusionistic space, his organic forms lose their natural order for the sake of willful disorder. This reinforces the fact that this is first a painting, not a simulation. Plotek’s interest in the works of the Romantic poets is also implied here by the visualization of the emotional effect of nature. Now it is fused with the actuality of the artist's studio. The landscape is transformed into candid universal motifs of unspecified time or place. The forms may belong to the artist, but they find a parallel expression within the viewer's experience of nature.

Landscape space is most clearly evoked in Farthest From Him is Best, 1988 (cat. 10) and Satumia, 1989 (cat. 11) because of their explicit horizontality and lateral disposition of shapes. This restructuring allows those forms which previously constituted the ”backdrop" of the images to become the primary content. Saturnia refers to ancient Etruscan hot springs, and the accumulation of interlocking shapes suggests the layers of the past and their grafting onto the present. The archaic simplicity of the forms implies a mysterious world that we have attempted to understand through reason and logic. But the eccentricity of these same shapes reminds us that our own emotional responses may provide the most satisfying information. Rather than describing the particular site, Plotek reacts to the landscape in terms of its internal topography, and this imbues the image with a psychic power that spans both time and place. The sensuous undulation of the composition describes the continuum of nature and our conscious recognition of our place within it.

Plotek’s most lyrical image of the outside world is Furthest From Him is Best. The netherworld illusionism, sensual modelling and the slow tempo of the suspended shapes describe a complexity of emotions that is as open-ended and as fraught with possibilities as the world we inhabit. While the painting began as a representation of Florence after the flood (and there are still vestiges here of architectural elements), the title derives from Milton's Paradise Lost and Satan's terse evaluation of God. Both Florence as a symbol of the Renaissance and Milton as the archetypal poet have become part of our cultural inheritance and as such, metaphors of the weight of our own history.

Plotek’s painting, through the refined manipulation of its formal means, acknowledges the vitality of the historical traditions of painting. His particular empathy for Venetian painting reveals itself throughout his work in subtle and nuanced ways. But tradition also places a paradoxical pressure on artists to forge their own identity in the face of all that has gone on before. Knowledge becomes both friend and foe. As Harold Bloom suggests in The Anxiety of Influence, poets (and artists) must both accept and overcome the accomplishments of the past. Out of the strugglewith their predecessors, primarily by ”creative misreading” of the works of the past, their own art is born. Plotek has willingly engaged in this struggle and has found the proper work to perform.

Because of the heterogeneity of the pictures in this exhibition, it is perhaps inappropriate to attempt a concluding summary of Plotek’s painting. Rather it may be more fitting to end with the thoughts of one of Plotek’s favorite art writers, Adrian Stokes:

 . . . in any exchange we have with our surroundings, there is an internal resonance. . . . If we reflect on these connections or resonances, we can see that they are potentially charged with ancient energies and emotions, and that our relationship to our surroundings is coloured by a double sense of their limitless continuity of which we are a part, and of their free-standingness and independence. Art reflects these relationships, symbolizes them in an exemplary way.3

Sandra Paikowsky, Curator

1. This and other comments by the artist are from conversations with the author in 1989 and 1990.
2. Leopold Plotek, Susanna Heller/Medrie MacPhee (Lethbridge: Southern Alberta Art Gallery, 1988), n.p.
3. Andrew Forge in Adrian Stokes 1902-72/ A retrospective (London, England: Serpentine Gallery, 1982), p. 17.